Eh oui, je m'y suis mis bien avant de me coller sur Facebook ! En cette période de fin d'année (assez épuisante), j'essaie de fournir un peu partout. J'ai pensé, pour l'occasion, vous proposer ci-dessous le début de la première aventure de Jonathan Preston, publiée en 2014 dans le n°2 de la revue "Big Pulps". En effet, en dehors de ceux qui achètent le magazine, impossible - pour l'instant - de découvrir autrement le contenu des quatre nouvelles que j'ai écrites !
Je vous souhaite donc une bonne lecture et, si ça vous plaît... vous savez ce qu'il vous reste à faire !
La Danseuse au Rubis
1957, une petite bourgade au nord de l’île de Sumatra…
Jonathan Preston venait de finir son cinquième verre, assis au comptoir en bois. Il y avait du monde à cette heure, chacun attendant le numéro de danse de la somptueuse Sannah.
Preston aussi l’attendait, mais pour des raisons toutes personnelles. Il savait qu’elle porterait ce soir quelque chose de spécial et c’était ça qu’il était venu chercher. Il avait traversé la moitié du globe pour un caillou. Il fallait le faire !
Il gratta sa barbe de trois jours qui assombrissait le bas de son visage. Ses tempes grisonnantes lui allaient plutôt bien et il faisait à peine ses trente-huit ans. Il en avait pourtant vécu, des aventures, toujours en train de courir après quelque chose – ou quelqu’un – aux quatre coins du monde.
Il était arrivé quelques jours plus tôt, histoire de s’imprégner un peu de la vie locale. Preston était parti avec tous les renseignements nécessaires, si bien que trouver Sannah avait été pour lui un jeu d’enfant. Cependant, il ne pouvait pas se douter des difficultés qui l’attendaient un peu plus tard dans la soirée.
***
Il avait fait particulièrement chaud toute la journée et l’atmosphère étouffante imprégnait encore les lieux malgré l’heure avancée.
À peine arrivé, Jonathan avait fait les frais d’une discussion quelque peu étrange. Un homme d’un certain âge, le visage bouffé par la petite vérole lui avait tenu un discours baragouiné dans un anglais approximatif, discours dans lequel il était question de rats géants. Curieusement, l’histoire n’était pas sans évoquer quelque chose à Preston : il se souvenait d’avoir entendu parler d’une affaire où un célèbre détective avait affronté une créature fantastique sur l’île de Sumatra, il y avait déjà bien longtemps de cela. Un certain Watson avait mentionné cet épisode dans l’un de ses écrits. Oui, il lui semblait bien qu’il s’agissait d’un rat géant…
Jonathan avait déjà été confronté à des situations extraordinaires mais la présence de telles créatures dans la région le laissait perplexe.
Pour l’heure, il se contentait d’attendre l’entrée en scène de Sannah, comme tous ceux qui étaient présents et qui tuaient le temps en vidant de gigantesques verres d’alcool.
L’estrade qui faisait office de scène était probablement l’élément le plus récent du décor. Pour le reste, les lieux tombaient en ruines, un rideau miteux et couvert d’auréoles cachait les coulisses. Les chaises sur lesquelles s’asseyaient les clients étaient toutes plus branlantes les unes que les autres. Il n’était pas rare de voir quelqu’un s’écrouler par terre, résultat d’un mélange détonant entre forte absorption d’alcool et mobilier pourri.
Soudain, les lumières s’éteignirent, le silence se fit dans la salle et Preston comprit que le grand moment de la soirée était arrivé : les anneaux du rideau grincèrent sur la tringle tandis que des lumières tamisées s’allumaient de chaque côté de la scène.
Apparut alors une femme aussi peu vêtue qu’on pouvait l’être : un voile fin laissait deviner sa poitrine généreuse tandis qu’une bande de tissu savamment enroulée cachait son bas-ventre.
Une petite musique orientale jouée en direct accompagna Sannah qui commença à bouger au rythme lancinant des instruments. Elle avait de longs cheveux bruns qui tombaient gracieusement sur ses épaules et qu’elle faisait virevolter au gré de ses mouvements. Une sensualité extraordinaire se dégageait de cette femme.
Preston repéra de ses yeux perçants ce qu’il était venu chercher : à l’emplacement du nombril de la danseuse, on apercevait en effet des petits reflets rouges. Le rubis était là. Le prendre ne serait pas désagréable. L’atteindre s’avérerait peut-être plus compliqué.
Jonathan se retrouva bientôt dans la même situation que tous les autres gars dans la salle : envoûté par Sannah, il oublia pendant quelques minutes la raison pour laquelle il était ici.
Il reprit pourtant bien vite ses esprits à la fin du numéro, lorsque la jeune femme se pencha en avant pour saluer son public. Les lumières revinrent dans la salle et l’aventurier en profita pour se lever.
Il se glissa derrière la porte sur laquelle une pancarte fendue indiquait « Privé ». Personne ne lui prêtait attention, tous étant en proie à des vapeurs d’alcool ou à des images érotiques provoquées par le numéro de la danseuse.
Preston se retrouva dans un long couloir sombre et aperçut une silhouette à l’autre bout qui se faufila dans une pièce attenante. Il accéléra le pas puis s’arrêta devant l’une des portes fermées. Il toqua doucement et entendit un léger bruit à l’intérieur.
Sannah en personne entrouvrit et passa la tête pour voir qui était le visiteur. Ce dernier ne s’embarrassa ni d’un préambule ni de bonnes manières : il poussa violemment la porte, faisant ainsi reculer la jeune femme, surprise autant que déséquilibrée par l’intrusion de l’aventurier dans sa loge.
Elle n’était pas plus vêtue que lors de son apparition sur la scène. En revanche, elle était toujours aussi souple et agile. Ayant récupéré bien vite, elle lui décocha un coup de pied en pleine poitrine, ce qui lui coupa le souffle. Tout en venant buter contre le mur derrière lui, il aperçut le rubis qui était toujours à la même place...
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